BALISES – Printemps arabe, dix ans après

«Vous connaissez la différence entre un Egyptien et un Sénégalais ? L’Egyptien n’ouvre la bouche que chez le dentiste, alors que le Sénégalais ne ferme la bouche que quand il dort.» On attribue la boutade à Wade qui l’aurait sortie pour montrer qu’il était peu probable que le printemps arabe se propage jusque chez nous.

Les Egyptiens qui avaient osé ouvrir la bouche pour crier leur ras-le-bol de la dictature et avaient fait tomber Moubarak l’ont refermée et ne l’ouvrent plus que chez le dentiste. Si vous voulez comprendre les évolutions du monde arabe, il faut observer les deux plus grands pays de ce monde, à savoir l’Egypte et l’Arabie Saoudite. Le Printemps arabe et la révolution qui s’en est suivie en Egypte ont dix ans. Le bilan de ce printemps n’est pas glorieux. La Tunisie a été l’hirondelle qui, comme on le sait, ne fait pas le printemps. Elle a annoncé un printemps des peuples et des libertés qui n’est jamais venu et les pays arabes ont vécu une sorte de «en attendant Godot» démocratique. Aujourd’hui, à l’exception notable de la Tunisie, le printemps arabe a débouché sur un hiver de dictature après un bref automne islamiste.
En Egypte, le maréchal Sissi fait du Bonapartisme, mais version arabe. Napoléon Bonaparte a mis fin au désordre de la révolution, mais en sauvegardant les acquis. Sissi a mis fin à la révolution et jeté ses acquis, comme la liberté d’expression, dans «les poubelles de l’histoire». L’Egypte est un cas intéressant parce qu’il confirme la thèse qui veut que ce soit les islamistes qui sortent des urnes chaque fois qu’il y a des élections transparentes dans le monde arabe, comme le Hamas en Palestine, Morsi en Egypte et Ennahdha dans une moindre mesure en Tunisie. Mais ce sera Daesh en Syrie ou en Irak, là où c’est une gageure de parler élection. Les islamistes sortent des urnes ou l’islamisme armé découle du statut quo, parce que le combat politique dans ces pays se résume à un face-à-face mortel entre les deux seules forces organisées : les dynasties militaires et les islamistes.
La Tunisie est une exception parce qu’elle a une société civile forte à côté des islamistes et des militaires. C’est pourquoi c’est le seul pays arabe où l’on peut passer de la société civile à la présidence la République. En Egypte, les militaires ont rapidement fermé la parenthèse démocratique en restaurant un régime militaire, en Libye, la fin de la tyrannie a débouché sur l’anarchie de la guerre civile. Dans tous les pays, l’Etat a son Armée. En Algérie, l’Armée confirme que «l’Etat lui appartient», comme dit souvent Babacar Justin Ndiaye. Au total, le printemps arabe qui a débouché sur l’hiver de la dictature et de la guerre civile semble avoir été une révolution pour rien, mais les dynasties militaires se trompent lourdement. A l’image du Covid-19, la deuxième vague arrivera et elle sera plus terrible.

 

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