Adama Gaye écrit au « dubitatifs et vaccinophiles »

Covid19 : Lettre aux dubitatifs et vaccinophiles…Par Adama Gaye

L’Inde, pays promis à dépasser démographiquement la Chine pour être bientôt le plus peuplé au monde, a lancé aujourd’hui la plus vaste campagne de vaccination anti-Covid avec le projet de vacciner 300 millions de ses 1.3 milliard d’habitants d’ici le mois d’Août à raison de 30 millions par mois, est le dernier grand pays à rejoindre le wagon des vaccinophiles.

Ce fait n’est pas banal. Il interroge l’humanité entière sur la manière dont le débat, fort clivant, relatif à l’introduction des vaccins pour vaincre le virus qui tétanise la planète est en passe de pencher en faveur des partisans de cette solution.

L’Inde est décrite comme la pharmacie du monde, en plus d’être la plus grande démocratie, tandis que l’intelligence de ses élites politiques, scientifiques et technocratiques est l’une des plus fines sur terre.

Le démarrage en fanfare de sa campagne d’immunisation, la plus massive de l’histoire humaine, avec des foules surexcitées de joie, des roses à la main pour la saluer dans la ferveur, constitue, incontestablement, un shift paradigmatique que Thomas Kuhn, père de ce concept, n’aurait pas renié.

A-t-elle définitivement fait basculer la balance au détriment des adversaires de la vaccination ? Elle est désormais, nul n’oserait en douter, l’éléphant dans la pièce où le débat sur cette problématique se déroule. Son intrusion vient s’ajouter à des actes toujours plus significatifs qui boostent la thèse allant dans le sens qu’elle a choisi.

Que la Reine d’Angleterre, Elizabeth, et son époux, Philippe, soient au nombre des célébrités, de plus en plus nombreuses, à avoir pris le pli de recevoir le vaccin sous les caméras du monde, était déjà un moment important. Plus de 3.5 millions de Britanniques les ont, depuis, suivis.

Aux USA, après le Président élu, Joe Biden Jr., dont l’entrée en fonctions dans trois jours annonce une nouvelle aube en Amérique, incarnée par le package financier de 638 mille milliards de francs CFA qu’il a dévoilé pour lutter contre la crise sanitaire née du coronavirus et ses conséquences socio-économiques, a fait aussi bouger les lignes.

Bref, partout, dans le monde, la vaccination devient le leitmotiv, y compris même en Afrique où le président Sud-africain, Cyril Ramaphosa, a passé, en sa qualité de Président en exercice de l’Union africaine, la plus importante commande de vaccins pour les dispatchers à travers le continent.

«La vaccination n’est pas une responsabilité individuelle mais sociale», suggère un universitaire Européen, spécialiste des questions démographiques.

Faire la genèse des vaccins, ce serait remonter au 17ème siècle, voire plus loin à l’Antiquité quand on avait remarqué que les personnes atteintes de maladies infectieuses ne tombaient pas une seconde fois, et donc donner droit au principe de la vaccination rendu célèbre à travers la lutte contre la variole, dite aussi petite vérole, menée au 18ème siècle, avec succès, par Edward Jenner, un médecin de campagne Britannique.

De la polio, à la peste, la rage, le choléra, la tuberculose, la lèpre, les différentes formes de grippe, l’humanité s’en est inspirée au fil des ans, l’alternant avec des antibiotiques, pour contenir les virus et bactéries qui lui rendaient la vie impossible.

Pourquoi alors changer une méthode gagnante dans la lutte mortelle qu’elle affronte avec l’avènement du dernier des grands virus à menacer son équilibre et même son existence ? Pourquoi ne pas suivre la majorité de la planète, qui de Pékin à Delhi, de New York à Londres, Paris et Conakry, presque partout embrasse, comme un sauveteur, ce vaccin sorti des laboratoires productifs de la surface terrestre ?

Ailleurs, le débat est largement tranché. Pourquoi alors ne l’est-il pas en Afrique ? Qu’est-ce qui explique les réticences, l’hostilité, envers la solution vaccinale sur notre continent que l’on retrouve dans des cercles dont on ne peut pas dire qu’ils soient tous constitués d’illuminés, de conspirationnistes, ou encore d’activistes prompts à refuser tout et rien ?

Certes, l’histoire enseigne que les grandes épidémies d’antan, dans une logique pré-Malthusianiste, avaient sensiblement réduit des populations, déclenchant un cercle vertueux, libérant des terres, enrichissant les survivants et créant les conditions d’une vie améliorée là où elles se sont produites. Tel fut le cas avec la grande peste noire.

Cette peste, ou mort noire, est le nom donné par les historiens modernes à une pandémie de peste — principalement la peste bubonique — ayant sévi au Moyen Âge, au milieu du XIVe siècle. Cette pandémie touche l’Eurasie, l’Afrique du Nord et peut-être l’Afrique subsaharienne. Elle n’est ni la première ni la dernière pandémie de peste, mais elle est la seule à porter ce nom. Elle est également la première pandémie à avoir été bien décrite par les chroniqueurs de l’époque.

Elle tue entre 30 % et 50 % des Européens en cinq ou 6 ans (1347-1352), faisant environ 25 millions de victimes. Ses conséquences sur la civilisation européenne sont sévères et longues, d’autant que cette première vague est considérée comme le début explosif et dévastateur de la deuxième pandémie de peste, qui dure de façon plus sporadique jusqu’au début du XIXe siècle.

Peut-on penser que le dividende démographique, le principal avantage de notre continent face aux sociétés occidentales vieillissantes ou à fertilité déclinante, et donc incapables, comme au Japon, de réguler les pensions de retraites et le ratio actifs-inactifs au sein de leurs populations, pourrait faire des jaloux jusqu’à justifier le déploiement d’une stratégie conçue dans des laboratoires ou des boites à idées antinatalistes pressés de limer l’avantage comparatif du continent africain ?

Nombreux sont ceux qui le pensent. Surtout qu’ils s’appuient sur les incertitudes liées à la fiabilité de certains vaccins dont ils pensent qu’ils n’ont été préparés, à des fins macabres, que pour l’Afrique.

Nous sommes, à l’évidence, face à une quadrature du cercle. La science étant par définition le siège des contradictions surmontées, des progrès par impulsion, selon le savant physicien Allemand Albert Einstein, il serait présomptueux pour qui que ce soit de s’ériger en détenteur de la science infuse sur la nécessité ou non de choisir la solution du vaccin.

Le débat doit avoir lieu. Il y va du destin de notre continent. L’empêcher, le contrarier ou en faire un sujet tabou, c’est épaissir les zones d’ombres déjà très obscures qui ont presque fini de faire de l’Afrique un no-mind’s-land, où débattre de politique, d’économie ou de science ne se fait plus, sauf dans les réduits des cercles de convertis à des causes presque militantes –sans espace pour les dissensions indispensables à l’éclatement de la vraie vérité.

La question du vaccin ne peut donc être soldée sans un vigoureux affrontement conceptuel, avec les détenteurs de la science pure au premier rang du débat.

Avancer comme des aveugles, des certitudes chevillées au corps, sans les tester, ne nous fera pas perdre le combat pour être pertinent sur le plus grand enjeu de ce début de millénaire. Il nous fera rater le train de l’histoire. Hâtons-nous lentement de débattre.

Que l’union africaine et les gouvernements des pays africains ouvrent cet espace pédagogique de discussions afin que les désaccords, suspicions et perspectives différentes soient examinés avec candeur. Pour dépolluer l’atmosphère autour des vaccins. L’Afrique s’en trouve grippée alors que d’autres, ayant une conscience claire de leur choix, avancent à grands pas -vers le salut ou la catastrophe, important peu dès lors qu’ils ont choisi.

Être vaccin ou ne pas être, dirait Shakespeare, that’s the question !

 

 

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